Rachel Rodgers [1] a présenté le 3 février 2012, dans le cadre des séminaires de l’Axe Interne et Santé du Réseau de recherche en santé des populations du Québec, un portrait international très complet de l’état de la recherche sur Internet et les troubles alimentaires et de l’image du corps.
Rachel Rodgers classifie les recherches qui relient l’Internet et les troubles de l’alimentation et l’image en trois catégories : 1) celles qui s’intéressent aux liens entre les usages de l’internet et l’insatisfaction corporelle et les troubles alimentaires, 2) celles qui utilisent l’Internet comme média de recherche pour mieux cerner ces problématiques, et 3) celles qui proposent d’utiliser l’Internet comme média d’intervention.
L’influence potentielle d’Internet passe par différentes voies. Tout d’abord, l’Internet contribue à diffuser des valeurs et normes corporelles qui peuvent contribuer à l’insatisfaction corporelle. On trouve aussi en ligne des groupes faisant la promotion des troubles alimentaires (pro-Eating Disorders), qui pourraient favoriser le développement ou le maintien de ces problématiques chez les individus participants. Les études ne sont pas concluantes quant au risque potentiel que présente l’Internet pour les personnes les plus vulnérables aux troubles de l’alimentation et de l’image corporelle, mais la chercheure juge nécessaire de mener des recherches longitudinales qui permettraient de mieux comprendre les mécanismes d’influence à l’œuvre.
Internet présente par ailleurs un fort potentiel pour la réalisation de recherches sur les troubles alimentaires, notamment dans le cas de situations où il est important d‘intervenir rapidement auprès d’une large population. Elle cite ainsi l’exemple d’une étude à laquelle elle a participé, à la suite du séisme qui s’est produit au Japon en mars 2011. L’objectif était d’étudier l’influence des expositions aux catastrophes sur les troubles alimentaires. L’utilisation de cet outil a permis, grâce à sa large diffusion et à l’interactivité qu’il permet, de mettre en évidence des risques peu connus auxquels sont exposées les personnes plus vulnérables aux troubles alimentaires.
Internet peut également être mobilisé comme média d’intervention dans le domaine des troubles de l’alimentation et de l’image du corps. Les résultats des études réalisées dans le domaine sont à ce titre très prometteurs. Ainsi, explique la chercheure « l’Internet peut être utilisé pour la diffusion de programmes de prévention et de traitement des troubles alimentaires, à travers des sites interactifs alliant psycho-éducation, soutien, et lutte contre les facteurs de risque ». Rachel Rodgers a d’ailleurs participé à une étude comparant une intervention en ligne sur le site web Bodimojo et un programme de prévention plus traditionnel mené dans une école aux États-Unis. Bien que les conclusions de l’étude ne montrent pas des différences significatives dans le changement de comportement des adolescents participants, la stratégie en ligne constituait selon les jeunes, un élément de satisfaction qui les a motivés à continuer leur participation au programme, et ce même en dehors des périodes de classe. Il serait donc important, souligne la chercheure, de développer des études longitudinales pour mieux comprendre les mécanismes d’action des interventions en ligne.
Pour plus d’information, voir les 3 capsules vidéo de la conférence.
PARTIE 1 : Internet et troubles de l’image du corps et de l’alimentation : quelle association ?
PARTIE 2 : L’Internet comme média de recherche
PARTIE 3 : L’Internet comme média de prévention
Voir aussi les articles de Rachel Rodgers sur la question d’Internet et des troubles de l’image du corps et de l’alimentation [2] [3] [4].
Références
[1] Rachel Rodgers, Ph.D. Psychologue clinicienne, Post-doctorante, Fulbright scholarship, Department of Counseling and Applied Educational Psychology, Northeastern University, Boston, MA, Centre d’Étude et de Recherches en Psychopathologie, Université Toulouse-2, Toulouse, France
[2] Rodgers, Rachel F.; Skowron, Sabrina; Chabrol, Henri (2012) Disordered Eating and Group Membership Among Members of a Pro-anorexic Online Community. European Eating Disorders Review. Volume 20, Issue 1, January 2012, Pages: 9–12.
[3] Franko, Debra L.; Jenkins, Amy; Roehrig, James P.; Luce, Kristine H., Crowther, Janis H. and Rodgers, Rachel F. (2012) Psychometric properties of measures of eating disorder risk in latina college women. International Journal of Eating Disorders. Article first published online : 24 JAN 2012
[4] Rodgers, R. F., Skowron, S. and Chabrol, H. (2012), Disordered Eating and Group Membership Among Members of a Pro-anorexic Online Community. European Eating Disorders Review, 20: 9–12. doi: 10.1002/erv.1096